mardi 18 janvier 2022

Les films consacrés au D Day


"Le jour le plus long" et "Il faut sauver le soldat Rayan" évoquent différemment la même bataille, un épisode qui a marqué les esprits et qui fait entrer la guerre dans une nouvelle phase : le débarquement allié (États-Unis, Royaume-Uni et Canada essentiellement) sur les plages de Normandie le 6 juin 1944, la plus importante opération amphibie de tous les temps.

A 36 ans de différence, ces deux films ne reproduisent pas de façon identique ce moment crucial de la guerre. Ces différences trouvent leurs origines dans le contexte de la réalisation de ces deux œuvres.

« Le Jour le plus long », de Daryl Zanuck, 1962 : le film montre l'intégralité de cette journée : des préparatifs quelques jours plus tôt (d’où le surnom de cette journée « la plus longue ») jusqu'à la prise des plages et la victoire contre l'ennemi mais avant les semaines très difficiles de la bataille de Normandie. Le film s'inspire du livre best-seller de Cornelius Ryan qui, le premier, a raconté le D Day dans le détail. Il a été tourné en Corse (les plages de Normandie, lieu de la bataille sont un lieu de mémoire et de respect donc interdiction d'y tourner, d'en faire un lieu « de spectacle »). On devine dans certains plans, avec quelques arrêts sur image le relief montagneux propre à la Corse. Le film est aussi tourné en noir et blanc, justement pour éviter notamment le bleu turquoise de la Méditerranée. Les artificiers ont abusé des panaches de fumée pour masquer le relief accidenté. 18 ans après les événements, le film rend hommage aux héros avec un souffle épique, respectant la nationalité des acteurs / soldats (ainsi, des français (comme Bourvil) jouent des français (on remarque au passage qu'il n'y a aucun collabo, uniquement de braves français (il ne faut alors pas froisser les coproducteurs français et montrer aux spectateurs de l'époque ce que fut la quasi guerre civile entre français)), des anglais comme Sean Connery jouent des soldats anglais et des américains interprètent des soldats américains (mais en grand nombre car le film s'adresse en priorité au public outre-Atlantique : présence de John Wayne, Henry Fonda, Robert Mitchum...)). Le film est une coproduction (plusieurs pays ont investis dans le film) mais c'est tout de même un film américain car il faut montrer à l'époque que les États-Unis se préoccupent toujours du devenir de l'Europe, qu'ils sont les gardiens de la liberté (contexte important de la guerre froide avec une date de sortie symbole face à ce qui se passe à Cuba). Le film glorifie la geste du soldat, leur sacrifice face à l'envahisseur mais allant jusqu'à la dépersonnalisation. Cependant, ce sens sacrificielle est occulté : peu de morts visibles, un sang déversé inexistant, peu de cadavres gisant sur le sable. Le film souffre de plusieurs problèmes : l'importance des guests (grands acteurs qui font de la participation) efface l'identification du spectateur : on voit Wayne, ou Connery qui vient alors de terminer son premier Bond " contre Docteur No" Le film insiste sur la force de frappe américaine (le pilonnage des blockhaus allemands, les coups de canons tirés des destroyers), les 2 avions de la Luftwaffe renforçant l'idée que l'arrivée sur les plages a été facile. Le film donne une impression de facilité, d'un manque de danger comme si la bataille était gagnée d'avance. Il y a donc un manque de recul entre l'événement réel et les intentions du réalisateur. Peu de morts, de scènes insoutenables. Idée que le Débarquement semble avoir été facile.

« Il faut sauver le soldat Rayan », Steven Spielberg, 1998. Le film évoque en partie le Débarquement mais par contre, il évoque également les jours suivants, soit la bataille de Normandie. Comme « Le jour le plus long », interdiction mémorielle de tourner en Normandie, Spielberg fait une reconstitution en Irlande ( et non les États-Unis car ambiance européenne du paysage + crédits d’impôts et facilités pour tourner offerts par l'Irlande). Le débarquement n'est pas le cœur du film. L'évocation de cette bataille permet de placer l'intrigue dans un moment historique précis. Spielberg cherche à interpeller les sens visuels et auditifs du spectateur le plongeant tout de suite sans répit dans une terrible scène de guerre dès les 5 premières minutes de film et pendant plus de 20 minutes avec des moments de bravoure, de massacre, montrant la réalité de la guerre (même s'il faut toujours insister sur le fait que ce n'est qu'une représentation de la guerre et non la guerre elle-même). La représentation du débarquement dans le film de Spielberg illustre bien la confusion qui règne alors sur la plage. On montre des forces jeunes (Miller est le seul officier « âgé » et qui a du recul ( normal car, de mémoire, dans le film, on apprend plus tard qu'il est prof = ce n'est pas un militaire de carrière) mais c'est une jeunesse qui se demande ce qu'elle fait là + certains sont déterminés, vigoureux mais on les montre aussi extrêmement vulnérables. Les scènes s'inspirent du travail du photographe Robert Capa qui a photographié cette journée de façon floue et saccadée mais non intentionnellement = dureté des combats. Capa, puis Spielberg ont ensuite fortement influencé les concepteurs de jeux vidéos sur la guerre (Medal of Honor) ou d'autres cinéastes lorsque ceux-ci ont représenté la guerre en général (Eastwood dans « Mémoire de nos pères », Scott pour « Gladiator »...)

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